On est devant le Rog, Tovarna Rog, c'est un squat, qu'on a découvert cet après-midi. On marchait pour aller à Metelkova, un autre squat qu'on nous avait conseillé, un endroit éblouissant. Une ancienne prison, ou caserne militaire, quelque chose comme ça, avec des petits bâtiments à un seul étage, les murs pleins d'art brut, d'art libre à en couper le souffle, ce sont des cours, comme des rues, où les gens passent d'ailleurs comme dans d'autres, avec ces petits bâtiments tous plus incroyables les uns que les autres. Bref, on tombe sur Tovarna Rog, un endroit beaucoup plus petit. Une minuscule ouverture colorée au milieu des tags nous invite à entrer. On tombe sur une cour, c'est beaucoup plus intime que Metelkova, un peu plus crad, moins rangé mais plein de petits recoins avec des tags, des fresques, des sculptures, des objets qui sont devenus art. Quelques mecs discutent dans un coin, en Slovène bien sûr. On fait le tour, on en prend plein la gueule, on s'éblouit de ce lieu en train de naitre. Un des types nous branche, en anglais. Il fini par nous proposer de revenir le soir-même, y a un petit concert derrière la porte rouge, il nous explique.
Voilà pourquoi on est là, ce soir, assises devant Rog, avec un type qu'on vient de rencontrer. A force de discuter, on a une heure avant le début du "concert", on découvre sa vision de la France, pays de Révolutions, qu'il pense. Pays des chevaliers aussi. Il en est un. C'est ce qu'il dit.
Après, on fini par rentrer dans la porte rouge. Derrière il s'avère que c'est un salon. Sept personnes sont là. Un chevelu au pantalon orange, très beau derrière la batterie une grande et fine brune, tout à côté, qui chante sans paroles d'une voix envoutante des onomatopées étranges. Un autre chevelu, lunettes sur le nez, l'air résolument sérieux derrière le clavier. Le dernier musicos c'est un blond, cheveux courts, un peu ronds et plus jeune que les autres. Il nous jette des regards en coin et joue de la basse, calmement en grillant cigarette sur cigarette.
Nous, on s'assoie sur un canap' à côté d'un gros gars efféminé qui se cale des joints, rie et parle beaucoup d'un anglais limpide qu'il nous dit avoir appris par le cinéma en VO, il dit aussi qu'il ne sait pas lire. Notre templier est là aussi, complètement ivre. Et puis les deux maîtres des lieux, deux mecs à l'air très doux, un peu embrumés par l'herbe, très beaux avec quelques rides. On se sent déjà chez nous dans ce lieu complètement improbable.
On discute, personne ne semble surpris de notre présence. On s'observe, ils musiquent, ils discutent en slovène ou en anglais, pour nous. On fini par nous servir des verres, nous vendre de l'herbe. Certains partent nous saluent, les autres restent. On demande du papier on se met à dessiner. De la musique croate sort maintenant d'un ordi. Merveilleuse. On ne pense plus à rien. Tout est simple. On discute encore, on rie, on fume, on boit jusqu'à deux ou trois heure. On commence à s'endormir alors on s'en va. On dit au revoir, on leur laisse nos dessins, ils nous invitent à une bouffe mercredi soir.