Le problème c'est que
j'ai envie de tout en même temps. Là, tout de suite, maintenant.
L'amour libre et fugace et l'éternité enchaînée. La douceur d'un
chez soi et l'évanescence du voyage vagabond. L'outrance et la
démesure, les pieds bien au chaud. Le scandale et le silence. La
liberté sans la solitude, la peur sans l'immobilité, le rêve sans
la réalité, le sexe sans l'amour, la vie sans la fatigue. Et puis
la poésie et le réalisme, l'art et la manière, tous les choix sans
ne jamais avoir à en faire. Des milliers de coups de vent dans la
gueule, époustouflants et sublimes. Je veux richesses et
frustrations, tirs sans sommations, ivresse et sagesse. Je veux les
vagues et la tempête, grandir et rester ce qu'il se passe
aujourd'hui. Goûter encore et encore, mille et une fois aux mêmes
choses sans jamais en être las. Il me faut brûler toutes les cartes
; aimer la nuit, dorer le jour ; bousiller le soleils, pleurer les
morts, leur récupérer la vie ; souffler sur des épaules ; griller
les étapes et toutes les avoir vécues ; monter les marches du
palais et vivre ascète ; toucher du bout des lèvres et goûter à
pleine bouche. Je veux être là et partout ailleurs, se sentir nulle
part et écouter pleuvoir sur le velux ; prendre un bain et respirer
la musique et l'eucalyptus ; fumer un splif et humer le vin ; grimper
les marches d'un temple indien ; écumer les pays jusqu'à ce qu'il
n'y en est plus un ; modeler la terre et la sillonner sur le dos de
mon poney ; écrire des pages et des pages sans jamais s'arrêter.